Par Daniel Sueur.
Ce que vous allez lire est un véritable récit d’art et de voyage, ou plutôt pour rester dans la chronologie, de voyage et d’art.

Un voyage entrepris par dix-neuf adhérents de notre association venus des quatre coins de France pour rejoindre Bourbon l’Archambault, grâce à viamichelin.fr, au GPS, et autres Waze mais aussi au bouc (pardon au book, au livre, quoi !) superbement préparé par notre présidente
Avec quinze tours à son apogée, la forteresse de Bourbon l’Archambault devait avoir fière allure, elle n’a toutefois pas résisté à la folie révolutionnaire qui ne nous en laissa que trois.

L’avantage c’est que pour le spectacle son et lumière, c’est quand même moins onéreux.
Bourbon l’Archambault est une station thermale dont les eaux sont carbo-gazeuses, chlorurées sodiques, bicarbonatées et sulfatées. Elles jaillissent de la source à 55° C, et constituent une arme redoutable contre les rhumatismes. Les quelques curistes rencontrés à l’hôtel (****) ne devaient en être qu’à leur première journée…
Du côté des arts, nous aurons été servis, avec la visite de « Street Art City » et celle d’Aubusson, notamment la Cité internationale de la tapisserie.
Qui aurait pu imaginer que ces tags, ces graffitis, qui enlaidissent la périphérie de nos villes deviennent à Lurcy-Lévis (mais siiii ! au fin fond de l’Allier !) des œuvres d’art que viennent admirer des milliers de visiteurs chaque année ? Et que les propriétaires du site gèrent une liste d’attente de plusieurs dizaines de « graffeurs » du monde entier qui rêvent de venir s’exprimer sur un site où la police ne viendra pas les pourchasser ?

Il faut dire que ce sont des conditions exceptionnelles qui attendent ces fous de la bombe acrylique : sur un espace ouvert de 10 hectares, 22 500 m² de murs sont à leur disposition pour leur permettre d’exprimer leur talent. Et pour ces « artistes en résidence », c’est la possibilité d’une immersion totale pendant des périodes de une à trois semaines, voire plus, tout en étant délestés des contraintes quotidiennes complètement assumées par l’organisation : logés, nourris et blanchis, tout le matériel nécessaire pour qu’ils s’expriment au mieux de leur talent leur est fourni : peinture,…jusqu’aux nacelles élévatrices qui leur permettent de couvrir l’intégralité de la surface des murs.
En contrepartie, l’artiste créera deux toiles dont le produit de la vente lui reviendra déduction faite d’une commission (% non divulgué) pour les organisateurs.
Au fait, qui sont-ils, ces organisateurs, peut-être au départ aussi fous que leurs hôtes ?
Il s’agit de Sylvie et de Gilles qui se désolent de côtoyer ce centre de formation de France Telecom qui a fermé dans les années 90 et qui, laissé à l’abandon, est voué à un inexorable retour de la nature sous forme de ronces et mauvaises herbes. C’est lors d’une promenade sur le site avec son chien Bijou, un jour de 2015, que Sylvie à une vision (maintenant on dirait un « flash ») : puisque l’art des rues se démocratise, pourquoi ne pas offrir ici à des artistes, souvent en devenir, la possibilité de s’exprimer librement et sur des surfaces inimaginables en secteur urbain ? L’affaire est lancée, tout s’enchaîne très vite et les artistes commencent à affluer du monde entier. La diversité des styles et des techniques, la recherche permanente d’excellence artistique font de Street Art City une référence incontournable. 22 500 m², c’est considérable mais finalement assez vite recouvert par les différentes œuvres. Le renouvellement se fait par recouvrement de l’œuvre précédente, cette dernière n’étant pas, par convention, propriété de l’artiste. On ne l’en dépossède pas pour autant, puisque, toujours par convention, il photographie son œuvre terminée et la poste sur Instagram, cet envoi en établissant la pérennité.
La visite commence par l’extérieur – avec ce bel escalier mais aussi coins et recoins – et permet de découvrir une centaine de fresques murales.








Nous avons eu la chance de rencontrer l’un de ces artistes en résidence, Rast. Il a 28 ans, c’est un autodidacte qui a commencé à taguer dès 14 ans. Il délaisse assez vite le lettrage pour réaliser des portraits réalistes en s’inspirant des « visages du monde » vus lors de ses voyages. Il travaille notamment la texture de peau de ses portraits qu’il place dans des encadrements baroques.

Dans le portrait de ce mage indien, vous remarquerez que la boule de cristal qu’il tient entre les mains contient six cercles. Pour terminer cette fresque en beauté et en originalité, Rast a le projet de transformer, – en carton-pâte ? –chaque cercle en sphère animée. Cet ensemble, raccordé à un panneau solaire qui fournira l’énergie, tournera alors une partie de la journée. Ce sera certainement, et pour un temps seulement puisque tout ici est éphémère, le clou de l’exposition.
La visite se poursuit avec l’exploration -lampe frontale fournie !- des 128 chambres qui étaient à l’origine celles des stagiaires de France Telecom et qui, toutes, ont été « décorées » par autant d’artistes. Cette visite de « l’hôtel 128 » présentée comme une « exceptionnelle expérience immersive » sera ressentie, selon les participants, comme intéressante, captivante, stressante, cauchemardesque, tant les peintres ont pu alors « se lâcher » dans un espace de quelque 10 m² (ou m3 ?) sur les murs mais aussi le sol et le plafond !






Le lendemain et 113 km plus loin (le précieux bouc – M.Seguin, reviens !- est très précis) on change de monde et, c’est l’impression, de siècle, avec la visite guidée de la Manufacture royale Saint Jean d’Aubusson. C’est une ancienne ouvrière aux yeux pétillants d’intelligence et de malice qui nous accueille. Sa démonstration sur le métier de basse lisse fera l’objet de nombreuses questions auxquelles elle répondra avec un humour souvent teinté de quelque sarcasme, ce qui réjouira les plus attentifs de ses auditeurs.

Pour la technique, je laisse la place à ma copine Wikipédia, fort savante sur le sujet :
Sur le métier de basse lisse, horizontal, le lissier tisse sur l’envers de la future tapisserie, il ne peut vérifier son travail que partiellement (la tapisserie est enroulée au fur et à mesure de la progression), en plaçant un miroir entre les fils de chaîne du métier et le carton qui guide le tissage. La tapisserie d’Aubusson garde ainsi son mystère tout au long du tissage. Le lissier lui-même, ainsi que l’artiste, ne découvrent leur œuvre dans sa totalité qu’au moment où ils coupent les fils de chaîne pour libérer la tapisserie au cours de la « tombée de métier ». Reste la phase de finition avec la couture des bords et des relais, les interruptions de tissage dues aux changements de couleurs.
L’après-midi sera consacré à la visite, à deux pas de là, de la Cité internationale de la tapisserie
La Cité de la tapisserie a ouvert ses portes au public le 10 juillet 2016, au sein du bâtiment de l’ancienne École Nationale d’Art Décoratif (ENAD) d’Aubusson, entièrement réhabilité à cet effet.
Elle a pour mission de conserver, enrichir et mettre en valeur ce grand savoir-faire. Avec un projet scientifique et culturel renouvelé, elle construit une collection de référence permettant de retracer cinq siècles et demi de production à Aubusson. Les photos prises par les membres de notre groupe montrent un goût prononcé pour le contemporain…






Reproduction du carton de la tapisserie « Ashitaja and Yakul in the forest » par la cartonnière Delphine Mangeret Aubusson 2021 – Impression sur intissé
Si elle s’appuie sur le passé et le contemporain, la Cité de la tapisserie regarde également vers l’avenir, en signant une convention avec le Tolkien Estate pour la réalisation en quatre ans à Aubusson d’une série exclusive de 14 tapisseries et 2 tapis, tissés à partir de l’œuvre graphique originale de J. R. R. Tolkien (1892-1973) qui a commencé à peindre et à dessiner alors qu’il était enfant et a continué tout au long de sa vie.
Ci-dessous un exemple commenté :

En 1933, Noël a bien failli ne pas avoir lieu. Les gobelins ont attaqué la demeure du Père Noël pour voler les jouets et les garder pour eux. Heureusement, l’ours polaire Kahru les a mis en déroute avec l’aide des elfes au cours d’une véritable bataille. On peut le voir ici, affrontant les créatures, tandis que le Père Noël aperçoit par la fenêtre de sa chambre la tête d’un gobelin montant sur le dos d’une chauve-souris. Les sujets abordés dans les lettres au Père Noël ne sont pas toujours légers. Tolkien les utilise également pour parler à ses enfants des événements du monde contemporain comme la crise économique de 1927. Avec Noël 1933, c’est le thème de la guerre qui arrive jusqu’au pôle Nord, faisant écho à la montée du fascisme en Europe.
« Entre modernité et tradition » comme l’a qualifié notre Présidente, on ne sort pas indemne d’un tel voyage.


Puisse ce modeste article faire resurgir chez les participants les émotions (intenses selon certains) éprouvées sur place, et chez tous ceux qui se connecteront à notre blog l’envie de découvrir ces lieux à la fois de culture contemporaine et de grande tradition à la française.
Et un grand merci à tous ceux qui m’ont fait parvenir leurs photos et commentaires, sans lesquels cet article n’aurait pu être aussi diversement illustré.
Fabuleux quel bonheur à la lecture des moments de ce beau voyage. Les photos sont superbes. Merci beaucoup
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Reportage parfaitement réussi d’une escapade de 3 jours. Bravo et merci Daniel, pour cet article qui reprend bien nos différentes étapes, et qui, grâce aux petites touches d’humour un peu british, retranscrit bien l’ambiance sympathique et chaleureuse qui a prévalu durant tout le séjour.
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Merci Daniel pour ce bel article qui résume parfaitement le superbe week-end de notre Association. Ton récit est vivant, humoristique, fidèle et chaleureux tout comme l’atmosphère qui a régné durant cette escapade. Merci à notre Présidente pour la parfaite organisation et merci également aux joyeux participants présents. Vivement le prochain !
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De la bonne humeur, de la qualité dans cet article qui traduit bien l’ambiance et la richesse des œuvres observées dans cette belle escapade concoctée par Nicole.
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Merci Daniel de nous avoir fait revivre
à travers ton récit notre week-end .
Quel plaisir de lire ,de revoir l’ensemble des oeuvres de « Street Art City »,la visite d’Aubusson et la cité internationale de la tapisserie.
Nous garderons également la bonne ambiance et la convivialité que nous avons partagées avec chacun des participants .
Merci à Nicole et à Alain .
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Bravo, Daniel, pour cet article magnifique tant par le texte souvent truffé de traits d’humour que par les belles photos très bien choisies. Même les absents peuvent sans peine imaginer la richesse de cette rencontre, son ambiance chaleureuse et conviviale ainsi que les visites des deux cités d’art si différentes mais passionnantes toutes les deux. Merci pour ce beau rapport!
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Un grand merci à Nicole et Alain qui nous ont concoctés un super voyage sur deux jours dans le monde des arts
Daniel nous a excellemment restitué ces passionnantes journées ,la visite de la manufacture royale fut vraiment bien retranscrite
J’ai beaucoup apprécié les tapisseries du couple Delaunay
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Pour sa partie STREET ART, cet article fait écho à celui de Monique (https://artsetvoyages.blog/2020/09/16/street-art-city-en-auvergne/) : elle nous a révélé l’existence de cet espace unique au monde qui nous a enchantés. N’oublions pas de lui témoigner notre reconnaissance.
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Merci Daniel pour cette retrospective si richement documentée et illustrée qui nous fait revivre ces belles journées de découvertes et de convivialité.
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merci pour cet excellent reportage qui nous a fait vivre ce que vous avez vécu pendant ce WE. Fabuleux. Merci aussi à l’organisatrice Nicole qui sait trouver de « petits coins insolites » et pleins d’histoires
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A la lecture de ce reportage nos regrets sont décuplés .Félicitations à Nicole pour la découverte de ce lieu insolite
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Merci Lucette, mais le mérite de la découverte de Lurcy-Levis revient à Monique qui, en juillet 2020, avait fait un article sur le site qui nous a donné envie d’aller voir sur place (https://artsetvoyages.blog/2020/09/16/street-art-city-en-auvergne/#more-2941)
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