Par Danielle Morau
WEIMAR au XIXe siècle : Franz LISZT et Friedrich NIETZSCHE
L’Âge d’Or de Weimar a été le fruit de la protection de la famille ducale envers les Arts au XVIIIe siècle. La tradition perdure au siècle suivant mais avec moins d’éclat. Ce sera l’Âge d’Argent de Weimar, de 1830 à 1900.
Le Grand Duc Karl Friedrich succède à son père en 1828 mais il n’a pas d’ambition personnelle et c’est son épouse Maria Pavlona qui marque de son empreinte la vie culturelle de Weimar comme l’avait fait Anna Amalia en son temps ! Ces deux femmes, issues de milieux princiers, l’une étant nièce d’un roi de Prusse, l’autre étant fille d’un tsar de Russie, avaient du caractère, de l’ambition et des relations.

La Grande Duchesse tient salon et s’évertue à conserver un haut niveau culturel à Weimar. Elle inculque à son fils Karl Alexander (1818-1901) l’ambition de perpétuer l’œuvre de ses ancêtres. Elle se retire de la vie publique au décès de son époux en 1853 et sera inhumée, six ans plus tard, dans la crypte de sa chapelle orthodoxe.

Franz Liszt à Weimar
Maria Pavlona, pianiste de haut niveau, appréciait Franz Liszt. Enfant prodige, virtuose, compositeur, chef d’orchestre, Franz Liszt voyage sans cesse et sa renommée est immense de l’Europe à la Russie. La Duchesse lui avait proposé, dès 1842, de s’installer à Weimar au moins trois mois par an, moyennant une pension alléchante puisée sur ses fonds personnels.

Musique Etude de concert « La leggierezza » par Claudio ARRAU (5 minutes 26)

Lors de son premier séjour de 1848 à 1858, Franz Liszt se fixe comme maître de chapelle à la cour de Weimar. Logé dans l’une des plus belles demeures de la ville, il démissionne le 18 décembre 1858 car ses idées novatrices ne plaisent pas à tous
Mais, à partir de 1869 jusqu’à son décès en 1886, Franz Liszt, devenu abbé, revient chaque été à Weimar ; le reste de l’année, il partage son temps entre Rome et Budapest. Il occupe la maison du maître-jardinier en lisière du parc… comme l’avait fait un siècle plus tôt Goethe, sur l’autre rive de l’Ilm, dans la maison du jardin (épisode 2).

Il vit de peu et donne ses leçons de piano gratuitement tous les après-midi.

Il organise aussi des concerts, par exemple « Lohengrin » et « Tannhäuser » de Richard Wagner, époux de sa fille Cosima.

Grâce à Franz Liszt, une école d’orchestre et une école de musique ouvrent en 1872 ; elles deviendront, en 1930, l’Ecole supérieure de musique installée dans l’ancien palais Fürstenburg.

L’œuvre du Grand Duc Karl Alexander
Véritable monument de son vivant, Franz Liszt a assuré la renommée de Weimar jusqu’à la fin du siècle. De son côté, le Grand Duc a embelli sa ville.

Il s’intéresse aux Beaux-Arts et crée en 1860 l’école des Beaux-Arts qui connaîtra son heure de notoriété avec l’Ecole de peinture de Weimar (1875-1890).
Il rêve d’Italie et le premier musée d’Allemagne voit le jour à Weimar en 1869. Son architecture rappelle les palais italiens.

En outre, sous son impulsion, la ville devient un lieu de mémoire.
C’est ainsi que des statues de personnages illustres de Weimar sont érigées entre 1850 et 1875 : Herder devant l’église (épisode 2), Goethe et Schiller devant le théâtre (épisode 3), Wieland … Devant l’Ecole supérieure de musique, la statue équestre de Karl August rappelle que ce duc a vécu dans cette bâtisse avec son épouse Anna Amalia, après l’incendie de son château en 1774 (épisode 2).
Grâce à ses contacts personnels avec le dernier héritier de Goethe, le Grand Duc installe le musée Goethe dans la maison du Frauenplan (épisode 3). Son épouse Sophie devient légataire de toutes les archives du grand homme et, dès 1889, les Archives Goethe voient le jour. Très rapidement, les écrits de Schiller, de Herder et de Wieland y sont déposés. Une grande bâtisse s’inspirant du Petit Trianon de Versailles est construite en 1896, face au château, sur l’autre rive de l’Ilm.

D’autres archives sont conservées à Weimar : il s’agit des travaux de Friedrich Nietzsche mais ce n’est pas le Grand Duc qui a fait venir le célèbre philosophe à Weimar.
Friedrich Nietzsche à Weimar
Malade, Friedrich Nietzsche est accueilli par sa sœur qui habite à Weimar. Il est interné pendant trois ans avant de décéder en 1900. Sa sœur a réuni tous ses écrits dans la maison psychiatrique où il a vécu : ce sont les Archives Nietzsche, situées au sud de la ville, sur une hauteur, dans un quartier aujourd’hui résidentiel.

En 1905, la transformation de cette maison en lieu public a fait intervenir un célèbre architecte belge mais ceci est une autre histoire, dans un autre siècle.
Merci Danielle de nous avoir rappelé que chaque nation contribue, par ses artistes, à consolider et développer notre civilisation…et que l’Allemagne n’a jamais été en reste, bien au contraire. La pièce de piano de Franz Liszt que tu proposes vient souligner le côté résolument romantique de la culture outre-Rhin de l’époque.
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Découvrir Weimar et surtout sa vie culturelle a été, pour moi, un réel plaisir tout au long de ces 5 épisodes. Pour ma part, le mot Weimar était surtout associé à la chute de cette république et à l’arrivée du mouvement nazi. Merci Danielle de nous avoir fait découvrir l’autre visage de Weimar, et, dans cet épisode de nous inviter à faire cette découverte sur un fond musical exceptionnel.
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Je suis très heureuse de lire vos commentaires éclairés, chers Nicole et Daniel : vous êtes mes fidèles lecteurs et vous m’avez suivie presque jusqu’au terme de ce long voyage – « presque » car il reste l’épilogue, qui ne saurait tarder ! Puis-je ajouter qu’un commentaire de lecteur fait plaisir à l’auteur qui a passé du temps à peaufiner son article pour qu’il soit agréable à lire ? J’attends donc d’autres avis, même négatifs, même très courts…
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Comme les articles précédents ce cinquième épisode exprime toute la richesse culturelle de Weimar. C’est un lieu exceptionnel où l’on retrouve à la fois la puissance artistique et créative de l’Allemagne et le rayonnement culturel de l’Europe qui n’échappait pas aux hôtes illustres de Weimar. Le cas de Nietzsche à Weimar est particulier car son passage est lié à son internement psychiatrique et non par une venue volontaire exprimant son désir en tant que penseur de partager et de prolonger l’œuvre de Goethe « l’Olympien ». Pour autant un débat a agité les milieux intellectuels pour savoir si Goethe avait été l’éducateur et le précurseur de Nietzsche. La figure de Faust, L’approche du tragique chez les penseurs grecs, le désir de toute-puissance… sont autant de thèmes qu’ils ont étudiés mais avec des interprétations différentes car pour Nietzsche Goethe était trop imprégné « de classicisme apollinien » ignorant l’élément tragique et dionysiaque de la civilisation grecque.
Ce dialogue à distance passionnant et contradictoire fait que de son vivant Nietzsche n’était peut-être pas si étranger à Weimar.
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Je suis très contente, Alain, que tu complètes mon dernier paragraphe de cet épisode 5. En effet, je ne connais pas assez Nietzsche pour pouvoir développer ses idées philosophiques et ce n’était pas l’objet de ce feuilleton centré sur Weimar. Tu m’apprends qu’il y a un débat sur des liens possibles entre les idées de Goethe et de Nietzsche : je vais essayer d’approfondir ! Par ailleurs, je profite de ce commentaire pour mentionner qu’Elisabeth Nietzsche a été soupçonnée d’avoir falsifié, post mortem, certains écrits de son frère pour servir les thèses du parti national-socialiste.
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L’attitude d’Elisabeth Nietzsche a, en effet, été très critiquée tant par ses interprétations sur l’œuvre de son frère que par son adhésion au régime nazi et à son chef mais cela ne remet pas en cause l’œuvre immense et puissante de Nietzsche.
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