par Claudine Fasan
Après Vicence, Vérone et Praglia, nous nous dirigeons vers Padoue, dernière étape de notre périple.
Plus connue peut-être comme la ville de St Antoine ou comme la capitale économique de la Vénétie, Padoue est l’une des villes d’art les plus importantes d’Italie. Son visage est marqué par 3000 ans d’histoire.
La ville, à l’origine un village de pêcheurs, devint au IVe siècle av. J-C. le centre le plus important des Vénètes. Elle a été l’alliée de Rome contre les Gallois et, à partir de 49 av .J.-C., elle devint Municipium Patavium et fut une des villes les plus prospères de l’empire romain.
Malheureusement, il ne reste de cette époque que les vestiges du grand amphithéâtre, quelques ponts et les précieux témoignages conservés au Musée Municipal : la ville ayant été détruite en 602 par les Lombards.
La reprise fut lente.
Au XIIe siècle, Padoue était une commune libre.
Durant les deux siècles suivants, son développement fut très rapide et grâce à la seigneurie de la famille des Carrara (1338-1405), la ville atteignit le sommet de sa domination sur une grande partie de la Vénétie centrale.
Période de ferveur économique et culturelle ayant laissé des marques indélébiles: l’enceinte fortifiée médiévale, les grands bâtiments civils et religieux, la fondation de l’Université (1222), la deuxième en Italie, où accourent des maîtres et disciples de toute l’Europe.
Le panorama artistique est dominé par la figure de Giotto qui réalise son chef-d’oeuvre avec la décoration de la Chapelle des Scrovegni.
Le grand Florentin est suivi par Guariento, Altichiero.…, réalisateurs de fresques.
La seigneurie illuminée des Carrara se termine en 1405 et Padoue est incorporée dans le domaine de terre ferme de Venise.
Toutefois la primauté artistique se poursuit tout au long de la première moitié du XVe siècle grâce à Donatello et à Mantegna.
Au XVIe siècle Padoue connaît un grand renouveau sous le gouvernement de la Sérénissime. La ville est entourée par de formidables remparts qui fixent la forme urbaine définitive. De nouveaux bâtiments publics et des églises majestueuses surgissent. L’Université traverse une période de grande splendeur: parmi d’autres, Galilée y enseigne.
L’aménagement du décor magique de Prato della Valle clôt à la fin du XVIIIe siècle les quatre siècles de domination vénitienne.
Après Napoléon Padoue passe à l’Autriche jusqu’à l’annexion au Royaume d’Italie en 1866.
Malgré les destructions dues aux guerres et à quelques interventions peu respectueuses de l’environnement, Padoue garde presque intacte sa structure caractéristique: un enchevêtrement de ruelles à arcades et de places monumentales, des maisons modestes et des bâtiments imposants.
Un bel écrin pour découvrir de véritables trésors !
Parcourons el Corso del Popolo puis el Corso Garibaldi pour rejoindre le centre de Padoue où surgissent des styles de constructions variés (néoclassiques et modernes).
La Piazza Cavour apparaît au terme d’une rue commerçante avec la statue de l’ homme d’Etat, Cavour, premier ministre d’Italie en 1861,
et, en poursuivant la balade, le célèbre Caffè Pedrocchi révèle un édifice néoclassique (1831) abritant un café aux salles blanches, rouges et vertes, théâtre de l’insurrection estudiantine contre les Autrichiens en 1848.
A l’étage, nous découvrons un piano mobile et des salles de réunions et de concerts de styles divers.
L’établissement abrite le Museo del Risorgimento e dell’Età Contemporanea.
La Piazza Zabarella, après des rues sans intérêt particulier, offre à la vue le Palazzo Zabarella qui accueille régulièrement des expositions majeures.
Il s’agit d’un Palais médiéval. C’est l’un des bâtiments les plus anciens de Padoue. La Tour et sa partie centrale remontent au XIIe siècle. Au XIVe siècle, il devint la propriété de la famille Carrara, puis des Zabarella et au XIXe siècle son style néoclassique fut repensé pour le transformer aujourd’hui en un lieu d’expositions prestigieuses.
Quittant la Piazza Zabarella, l’université ou Palais du Bo interpelle. Cette université située dans le Palais « Bo », du nom de l’auberge à l’enseigne du
- « Boeuf » qui la précéda. L’université conserve une belle cour du XVIe siècle et un amphithéâtre d’anatomie dit «Teatro Anatomico ».
Ce grand complexe, érigé entre 1542 et 1601 avec des adjonctions modernes datant des années 1929-1940, est le siège central de l’Université, fondée en 1222.
Particulièrement dignes d’intérêt la Cour Ancienne (moitié du XVIe siècle), la Salle des Quarante, où l’on conserve la chaire de Galilée qui enseigna à Padoue entre 1592 et 1610
Autres curiosités de l’université de Padoue :


Ce célèbre théâtre, construit en 1594 à l’initiative de l’anatomiste Fabrizi d’Acquapendente est le plus ancien au monde. Son architecture fut probablement imaginée par le théologien Paolo Scarpi. C’est un lieu magique avec des plafonds admirables !

Mais pas de nostalgie car déjà les places jumelles la Piazza del Erbe et la Piazza della Fruta accueillent le visiteur.
La Piazza del Erbe est la place du marché aux légumes qui date du Moyen-Âge et s’anime encore aujourd’hui d’une multitude d’étalages.



Ces trois places entourent le Palazzo della Ragione.
Il s’agit d’un édifice remarquable par ses loggias et son toit en forme de carène.
Il fut érigé en 1218 par la commune de Padoue comme siège du Podestat et des Tribunaux et surélevé en 1306.


Mais revenons sur la Piazza dei Signori où l’on peut admirer le Palais du Capitaine avec sa Tour de l’Horloge.
La construction du Palais du Capitaine débuta en 1599 et fut achevée en 1605.
Il fut l’oeuvre de Falconetto di Verona et a comme particularité une imposante horloge astronomique élaborée suivant les plans de Jacopo Dondi . En dessous se trouve l’Arc dell’Orologio de 1532.
Près de ce Palais se trouve la loggia della Gran Guardia et, après avoir traversé l’Arc, le Palazzo Liviano réalisé en 1939 par Gio Ponti. Ce dernier abrite la Faculté de Lettres et le Musée d’ Archéologie et d’Art avec notamment des œuvres de Donatello.

Et soudain, près de la Piazza del Capitano, surgit la Basilique Cathédrale Santa Maria Assunta ou encore el Duomo. C’est la troisième grande Basilique de la ville. Elle fut édifiée sur une basilique romane datant de 1075, elle-même bâtie sur une très ancienne “domus ecclesiae”. La construction actuelle de la Cathédrale, pour laquelle on consulta aussi Michelangelo, fut réalisée du XVIe au XVIIIe siècle.

Le Baptistère, érigé en style roman au XIIe siècle et remanié en 1260, est consacré à Saint Jean-Baptiste et a été décoré de fresques en 1375-78 par le peintre florentin Giusto de Menabuoi, influencé par Giotto et mort à Padoue. A l’intérieur, le cycle pictural commence en haut avec le merveilleux Paradis et une centaine de saints en cercle concentrique entourent le Christ et la Madone,
et continue avec l’histoire de Saint Jean-Baptiste, de Marie, de la Passion, la Mort et la Résurrection du Christ.
Enfin, tout autour de l’autel, figurent 43 tableaux des scènes de l’Apocalypse de Saint Jean l’Évangéliste.
Tout proche, le Musée Diocésain installé dans le Palazzo Vescoville (Evêché), conserve des trésors d’orfèvrerie, de peinture, de sculpture et du début de l’imprimerie.
Mais poursuivons notre visite par le ghetto qui constitue une belle promenade avec des bâtiments de type très anciens, des petites boutiques et cafés.
Les premiers témoignages d’une communauté juive remontent au XIIe siècle. A partir du XIVe siècle, la communauté s’agrandit avec les Juifs venus d’Allemagne, d’Espagne et du reste de l’Italie. Mais le ghetto véritable ne se forma qu’au XVIIe siècle, dans ce quartier pauvre et sombre, isolé du reste de la ville par quatre portes gardées et fermées pendant la nuit. Les étudiants y étaient particulièrement nombreux, l’Université de Padoue étant alors la seule en Europe à accepter les jeunes hébraïques. Ce n’est qu’en 1797, lorsque les Français décrétèrent l’égalité des Juifs avec les autres citoyens, que les portes furent abattues.
Enfin, à travers des rues et ruelles colorées et animées, apparaît l’ancien théâtre romain, el Pratto della Valle.
Pendant l’Antiquité et le haut Moyen-Age, la place était appelée « Champ de Mars » car elle accueillait des défilés militaires. Elle fut ensuite nommée « Valle del mercato » à cause de ses nombreuses foires et marchés en son sein puis, « Pré de Sainte Justine » à cause de l’église Santa Giustina toute proche. Le nom de « Prato della Valle » (Pratum Vallis en latin) apparaît pour la première fois au XIIe siècle. Pendant le Risorgimento, la place est nommée, place Victor-Emmanuel II.
Avant d’avoir son aspect actuel, el Prato della Valle a subi de grandes transformations, dès 1775 afin de l’assainir et jusqu’à nos jours pour supprimer les marécages.
Cette grande île verte ovale, coupée par quatre allées correspondant au quatre ponts, est entourée d’un canal bordé de 78 statues. En son milieu trône la fontaine de l’isola Memmia.
Quelques monuments l’accompagnent

La Basilique Santa Giustina est l’une des plus grandes de la chrétienté (122 m de long, 82 m de large). Le pavement a été installé en 1608 et terminé en 1615.
Il est en marbre et pierre de touche de Vérone jaune et rouge.
Cette Basilique fut érigée au XVIe siècle sur un lieu où s’élevaient d’antiques sanctuaires. L’intérieur majestueux conserve de nombreuses œuvres d’art, parmi lesquelles le chœur principal aux stalles de bois et le grand retable représentant le Martyre de Sainte Justine peint par Véronèse (1575).
Mais une autre surprise nous attend: le jardin botanique
Le Jardin Botanique de Padoue est le plus ancien jardin botanique existant au monde. Fondé en 1545 comme « Jardin des Simples » (plantes médicinales) de la Faculté de Médecine, le Jardin Botanique -le Jardin de la Biodiversité- conserve de très importantes collections de plantes rares, l’ancienne bibliothèque et les collections botaniques de l’Université.
C’est un monument de valeur historique, architectural et botanique classé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture au patrimoine de l’Humanité.
Malgré quelques légères modifications, il a conservé son plan d’origine : un jardin clos circulaire, symbole du monde, entouré d’un ruban d’eau .
Il continue comme par le passé à inspirer la recherche scientifique.
Notre itinérance se poursuit vers le foyer religieux de la ville, et nous découvrons la Basilique Santo Antonio.
Il s’agit d’un haut lieu de pèlerinage dédié à Saint Antoine.
Bien que ce moine franciscain, thaumaturge d’une prodigieuse éloquence, fût originaire de Lisbonne, où il naquit en 1195, son nom demeure lié à celui de la ville Padoue -dans les environs de laquelle il mourut à 36 ans-. On l’invoquait autrefois pour le sauvetage des naufragés et la libération des prisonniers.
Il est habituellement représenté tenant un livre et une branche de lys.
Sur la place qui précède l’église, Donatello érigea une admirable statua equestre del Gattamelata (surnom donné au condottiere vénitien Erasmo da Nardi qui mourut à Padoue en 1443). Ce fut la première œuvre de cette taille coulée en bronze en Italie.
La Basilique Saint Antoine, commencée tout de suite après la mort du Saint en 1231 fut terminée au siècle suivant.
Il s’agit d’un grandiose bâtiment en style à la fois roman et gothique avec huit coupoles et des clochers orientalistes. Cette Basilique évoque celle de Saint Marc à Venise.
L’intérieur imposant contient de nombreuses œuvres d’art.
Ce célèbre maître-autel est orné du crucifix (1449), de statues et bas-reliefs en bronze, œuvres de Donatello (1444-1448).
L’autel-tombeau du Saint est l’œuvre de Tiziano Aspetti (1594).
A côté de la Basilique s’élèvent l’Oratoire de Saint Georges qui abrite un grand cycle de fresques d’Altichiero (1379-1384), l’Ecole du Saint où sont conservées trois fresques célèbres de Titian (1511) et le Musée al Santo, siège d’expositions temporaires.
L’ Oratoire Saint Georges est une chapelle votive décorée de 21 fresques (1377) par Altichiero et ses élèves évoquant diverses scènes religieuses.
La Scuela di Sant’Antonio, contiguë, possède au premier étage une salle dont les murs sont recouverts de 18 fresques du XVIe siècle narrant la Vie de Saint Antoine, dont quatre sont de la main du Titien.

La promenade invite à la découverte du centre artistique de la ville grâce à la Cappella degli Scrovegni, della chiesa degli Ermitani et del Museo Civico agli Eremitani.
La Chapelle des Scrovegni ou l’église de l’Arena est une modeste chapelle gothique construite sur le terrain d’une ancienne arène romaine, – l’Arena amphithéâtre elliptique- pour spectacles de gladiateurs.
Toutefois, la Chapelle des Scrovegni reste un chef-d’œuvre d’art absolu.
Voulue par Enrico Scrovegni, un usurier riche et puissant, la Chapelle fut peinte à fresques par Giotto. Il a fallu 855 jours pour terminer les œuvres réalisées entre 1302 et 1305. Ses espaces intérieurs d’environ 1000 m2, entièrement recouverts de peintures évoquent les épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Une pure merveille !
Ainsi, il est possible d’admirer:


Près de cet ensemble, le Musée Municipal Eremitani occupe les locaux d’un ancien couvent et d’une église augustine du XVIIIe siècle qui contient les tombes de Jacopo (1324) et Ubertino (1345) da Carrara, seigneurs de Padoue

L’ Eglise des Erémitiques de Padoue fut édifiée en 1276 pour honorer Saint Philippe et Saint Jacques.


Cette visite de Padoue ne peut se terminer sans évoquer les remparts et portes.
La première enceinte fortifiée, érigée au Moyen-Âge, longeait le Bacchiglione et les canaux navigables qui délimitaient l’ancienne « Île » romaine.
Il en reste quelques vestiges et deux des 19 portes -la Porte Altinate et la Porta Molino.


De nouveaux tronçons de remparts furent bâtis pendant la période des Carrare, en incorporant les expansions de la ville au-delà de l’île romaine et de grands terrains horticoles. La ville, à cause de son importance stratégique, fut pourvue par la Sérénissime République de Venise d’un nouveau système de remparts, bâti entre 1513 et 1544.

L’enceinte fortifiée, longue de quelque 11 kilomètres, comporte une vingtaine de formidables bastions encore bien conservés. La Porta Venise ou Portello, érigée en 1519 -entre autres- présente un intérêt artistique particulier.
Aujourd’hui, un programme de restauration des cours d’eau et de réouverture des anciens bassins de navigation a été lancé pour permettre de reprendre la navigation le long des anciennes voies d’eau, comme le parcours fluvial le long des remparts et des bastions.
Cette découverte de la Vénétie n’est pas totale mais le temps était compté affichant d’autres aventures, … ailleurs.
Cette présence en Vénétie fut riche en découvertes et ne demande qu’un retour !
Bravo Claudine! Quel travail de recherche et quelle foule de détails et d’informations sur Padoue tu nous fais partager!
J’avoue avoir été impressionnée par la richesse de ton article qui sûrement donne envie d’aller vérifier sur place et découvrir la beauté et l’intérêt de cette ville.
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Waouh ! Que de belles choses à découvrir. Il semble qu’il soit impossible de faire deux pas sans s’extasier ou s’étonner devant une merveille. Ne reste plus qu’à prendre un billet d’avion pour aller voir sur place ! Merci Claudine pour ce riche reportage
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« Toutefois, la Chapelle des Scrovegni reste un chef-d’œuvre d’art absolu. » Voilà ce que tu écris et tu joins plusieurs photos mais pourrais-tu me préciser brièvement ton propos ? Ton article est déjà très complet et précis, mais ce point m’intéresse ! Merci pour ta réponse.
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Quelle richesse cette ville de Padoue que je découvre grâce à ce beau reportage. J’aime beaucoup l’Italie que je connais un peu et j’avoue qu’il me tarde d’y retourner et de passer par Padoue.
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Merci à chacun d’entre vous pour vos commentaires auxquels je réponds très tardivement en raison d’un déplacement en région parisienne auprès de nos enfants et petits-enfants et pour lequel je vous demande de bien vouloir m’ excuser.
Padoue est effectivement une ville très intéressante à visiter et particulièrement « vivante » grâce à la présence estudiantine , à la diversité de ses monuments, à la qualité de l’accueil, à son plan architectural qui facilite toute déambulation, grâce enfin, aux recommandations faites par les locaux, à savoir : oublier sa voiture avant d’entamer toute visite de Padoue en privilégiant l’arrivée en train !
Pour évoquer encore la Chapelle des Scrovegni, saluée comme chef d’œuvre d’art absolu de la peinture du XIVème siècle italien et européen, il faut analyser le cycle de fresques -le plus complet- réalisé par le Maître toscan GIOTTO.
Le sens de la nature et de l’histoire, le sens de l’humanité et de la foi fusionnent pour raconter d’une manière unique les histoires de la Madonne et du Christ.
Trois thèmes principaux se déclinent : les épisodes de la vie de Giacchino et Anna, les épisodes de la vie de Marie et les épisodes de la vie et de la mort du Christ.
L’ensemble exalte couleurs et lumières, poésie et pathos, l’homme et Dieu…
Pure beauté !
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