par Joëlle Niger
Pour moi Lyon était une ville que je traversais pour me rendre dans le sud mais je n‘avais jamais pris le temps d’y séjourner. Début septembre, profitant de la poursuite de l’été, j’ai donc décidé d’y passer quelques jours et je ne l’ai pas regretté car j’ai découvert une cité au riche passé.
Ancienne capitale des Gaules au temps des Romains, elle devient une ville très commerçante et une grande place financière à la Renaissance. Sa prospérité, elle la doit principalement à la soierie, aux industries textiles et chimiques et c’est celle de la soie que je souhaite aborder ici.

C’est sur la colline de la Croix Rousse (alt. 250m) appelée aussi « la colline qui travaille » que résidaient et travaillaient les canuts. On y distingue deux catégories de travailleurs de la soie, les maîtres tisseurs et les compagnons, les premiers étant propriétaires de leurs métiers à tisser.

L’histoire de la soierie à Lyon s’étend sur cinq siècles, elle commence sur les bords de la Saône et les premiers tisserands s’installent sous François 1er.
Depuis le 18ème siècle, l’industrie de la soie a fait de Lyon la première ville ouvrière de France ; en 1788 on recense 15 000 métiers et 28 000 personnes employées.

La soie est l’étoffe à la mode, elle est notamment portée par Madame de Pompadour.

C’est au début du 19ème siècle que Joseph Marie Jacquard révolutionne le tissage avec la mise au point d’un métier à tisser muni d’un système mécanique comportant des cartes perforées.
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En fait, Jacquard a combiné plusieurs techniques telles que les aiguilles de Basile Bouchon, les cartes perforées de Falcon et le cylindre de Vaucresson, pour inventer une machine révolutionnaire permettant de créer des motifs complexes. Grâce à cette dernière, un seul ouvrier était nécessaire par métier au lieu de plusieurs personnes auparavant.



Compte-tenu des dimensions imposantes de ce métier à tisser, on a donc construit des ateliers logements dont les pièces d’une hauteur de quatre mètres étaient dotées de hautes fenêtres pour faire entrer la lumière et de plafonds renforcés de grosses poutres en chêne.

Ce nouveau métier à tisser réduisant la main-d’œuvre, associée aux dures conditions de travail ont engendré la révolte des canuts en 1831, 1834, 1848. C’est un des premiers mouvements de la classe ouvrière.

Lors de la première révolte les canuts occupent Lyon aux cris de « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ». Le roi Louis Philippe réprime l’émeute.
Au cours de la seconde révolte les canuts occupent les hauteurs de Lyon, ils résistent 6 jours face à 12.000 soldats en utilisant notamment les traboules qui sont des passages piétons permettant de circuler d’une rue à l’autre à travers des cours d’immeuble.
La troisième révolte est menée par la société ouvrière des « Voraces » ; elle est également violemment réprimée.
Ces révoltes aboutiront à l’autorisation d’associations de secours mutuel ; ce sont les premières expériences du mutualisme.
En 1840 on inaugure la statue de Jacquard Place Sathonay, elle sera ensuite déplacée en 1898 sur la Place de la Croix Rousse. Elle honore le « bienfaiteur des ouvriers lyonnais ».

A la fin du 19ème siècle, la fabrique de la soie a connu un grave déclin lié à la concurrence des fibres modernes mais grâce au développement de la Haute Couture elle a retrouvé de belles heures ! Merci aux maisons Poiret, Patou, Chanel, Grès et surtout Hermès avec son mythique carré de soie lancé en 1937. Malgré un itinéraire houleux, Lyon conserve son titre de capitale de la soie.
Je voudrais terminer cet article par un petit clin d’œil au mythique Guignol créé en 1808 par Laurent Mourguet, lui-même ouvrier en soie, il le fait naître dans une famille de canuts. Il utilise le parler lyonnais des canuts pour dénoncer l’injustice sociale. C’est l’emblème de la ville, il tient une place privilégiée dans le cœur des Lyonnais.


Merci beaucoup. Joelle, pour cet article très intéressant sur l’industrie de la soie à Lyon depuis la Renaissance et sa prospérité dès le 18e siècle. Les conditions de travail des canuts étaient alors d’une dureté extrême et ils vivaient dans une grande pauvreté malgré leur labeur intense. Ils habitaient avec leurs familles dans leurs ateliers près de leurs métiers à tisser, La disette était fréquente chez les ouvriers. Rien de surprenant donc que les canuts se soient finalement révoltés. A notre époque où les 40 heures hebdomadaires ont fait place aux 35 heures dans beaucoup de secteurs, nous pouvons honorer leur mémoire, leur fierté, leur courage et leur ténacité,
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Les beaux atours des belles dames avaient leur prix en souffrances et en peine dans ce quartier des canuts.
L’invention du métier Jacquard a été un grand pas en avant : nous pouvons aujourd’hui porter un foulard Hermès ou Malfroy sans culpabiliser, n’est-ce-pas ?
Tu as eu raison, Joëlle, de faire cet arrêt à Lyon et de nous en faire le récit. Quelle sera ta prochaine destination ?
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De très belles illustrations pour cet intéressant article qui met en scène les canuts, des durs au travail. On leur pardonnera de ne pas avoir admis tout de suite que l’arrivée de la machine à vapeur allait mettre fin à leur façon ancestrale de travailler, et qu’ils auraient à s’adapter.
On comprendra aussi que perdre des emplois, à cette époque comme à la nôtre, c’est toujours dramatique.
A titre anecdotique, quelques indices démontrent que ce reportage n’a pas été réalisé l’an dernier…
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Bravo Joelle, ton article est très complet et relate si bien la riche histoire de Lyon et de la soie! Ces quelques jours passés ensemble dans cette superbe ville ont été si agréables et si enrichissants!
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On ne remerciera jamais assez les Lyonnais et plus particulièrement les canuts pour l’extraordinaire délicatesse et originalité de leur travail, mais le prix à payer a souvent été trop lourd, comme ils le disent si bien dans leur chant. Bravo et merci Joëlle pour avoir rendu hommage et mis en lumière ces ouvriers de la soie
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Merci Joelle pour ce récit ,ces photos et cette chanson, tu nous as transporté quelques siècles en arrière. Un peu d’histoire et un retour sur l’origine du savoir faire , quel plaisir de porter encore un carré de soie .
A quand ton prochain voyage ?
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Merci à tous pour vos messages, c’est toujours agréable d’être lue et commentée. Pour ma prochaine destination il faudra attendre encore mais j’ai toujours des projets en tête. En attendant de pouvoir voyager à nouveau un autre article sur Lyon prochainement.
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