par Danielle Morau
Johann Wolfgang von Goethe à Weimar, de 1775 à 1794
Je n’ai trouvé aucun monument dédié à Bach au cœur de Weimar ; par contre Goethe y a laissé une trace indélébile ! C’est en néophyte que j’aborde cet écrivain-poète capable de briller dans les sciences, l’architecture, la gestion d’un duché.
Goethe écrit, réfléchit, reste en contact avec les grands esprits de son temps tout en exerçant une activité de responsable politique et en menant une vie mondaine à la Cour du duc de Weimar. Il ne s’agit pas ici de détailler toutes les compétences de ce génie mais de découvrir dans la ville quelques étapes de son long parcours.
La première étape couvre 20 ans de sa vie et commence par une rencontre.

Goethe, âgé de 25 ans, vient de publier « Les souffrances du jeune Werther », un roman qui obtient immédiatement un succès retentissant. Il loge dans la maison familiale de Francfort lorsque, en ce mois de décembre 1774, le jeune Karl-August de Saxe-Weimar, âgé de 17 ans, frappe à sa porte et demande à être reçu. Les deux jeunes gens s’entretiennent de sujets litteraires avec une mutuelle sympathie. « L’âme de Goethe est perpétuellement le théâtre de combats, de révoltes…C’est peut-être l’homme le plus original que j’aie jamais rencontré. » écrira le duc à un ami.

Un an plus tard, tout juste marié à la princesse Louise de Hesse-Darmstadt, le duc Karl-August fait halte à Francfort : le jeune couple prie Goethe de leur rendre visite. . Ayant accepté l’invitation, celui-ci arrive à WEIMAR le matin du 7 novembre 1775. Il ne se doutait pas qu’il y resterait toute sa vie …
Essayons maintenant de situer le décor et les personnages présents sur la scène en cette fin d’année 1775.
Le duché de Saxe-Weimar est l’un des 360 Etats souverains issus du Saint Empire Romain Germanique. Sa capitale Weimar n’a que 5 000 habitants.
Elle a encore son enceinte fortifiée du 15ième siècle mais son château vient d’être détruit par un terrible incendie, le 6 mai 1774.

Fort heureusement, la superbe bibliothèque baroque remplie d’ouvrages rares se trouve dans le Palais Vert, en lisière du parc, et elle fut préservée des flammes.
Le jeune couple ducal est logé sommairement dans un bâtiment administratif, la Fürstenhaus.

La mère du duc, Anna Amalia de Brunswick Wolfenbuttel, nièce de Frederic II, roi de Prusse, trouve refuge dans une demeure neuve construite sur une partie des remparts qu’on commence à démolir. Ce sera le Wittumspalais, le palais de la Veuve, puisque son époux est décédé à l’âge de 21 ans et qu’elle a assuré la gestion du duché de 1758 à 1774.


C’est ici que la duchesse douairière reçoit ses courtisans, ses amis, ses invités autour d’une table : les réunions sont animées par la musique, les jeux, les plaisanteries, et surtout les discussions aussi bien littéraires que scientifiques.

Certainement Goethe se rendit dans ce lieu dès son arrivée et il y rencontra une dame d’honneur de la duchesse : Charlotte de Stein, veuve et mère de 7 enfants. « Avec des joues colorées de rose, des cheveux noirs, elle a la peau et les yeux d’une Italienne. Ajoutez à cela des nerfs faibles, de l’élégance et de la simplicité. », note l’un de ses contemporains.
Charlotte de Stein, de sept ans son aînée, va profondément influencer l’évolution de Goethe. Leur relation (dont la nature divise les historiens) dure jusqu’en 1788 et se manifeste à travers un échange continu de lettres et de billets : il subsiste 1700 écrits de Goethe. Charlotte a détruit ses propres missives.

Ils se voient pourtant chaque jour puisque Goethe accepte le poste de conseiller à la Cour que son ami le duc lui propose dès la fin de l’année 1775. Il en espère « une nouvelle et heureuse carrière ».
Ses atouts ? Une précoce célébrité, des qualités reconnues par ses pairs : « c’est un vrai génie et un homme de caractère – son imagination est d’une vivacité extraordinaire – il abhorre toute contrainte». L’amitié de son protecteur est profonde et durera toute sa vie.

Pour pouvoir travailler tranquillement, il choisit une petite maison dans les bois, à l’arrière du Palais Vert : sa simplicité touche le visiteur. Un jardin-potager témoigne encore aujourd’hui de ses recherches sur la botanique. Dès 1777, il dresse les plans d’un parc romantique avec prairies, futaies, rochers et cavernes.
C’est dans ce pavillon qu’il écrira ses plus grands chefs-d’œuvre : Iphigénie en Tauride, le Roi des Aulnes, Egmont et Faust mais sans avoir le temps de les mener à leur terme avant 1790. En effet, Goethe doit s’atteler aux tâches administratives : finances, gestion des forêts, ventes de denrées agricoles …
En outre, il anime avec brio les fêtes et amusements de la Cour . Il écrit, met en scène, joue des pièces de théâtre. Le théâtre ayant été détruit en même temps que le château, il lui faut trouver des salles dans les maisons ducales des alentours et se contenter d’une troupe d’amateurs ; il propose des comédies avec décors, ballets et musique.
Nommé conseiller secret en 1779 puis ministre et anobli en 1782, il reçoit un cadeau du duc : c’est une maison neuve située sur la place Am Frauen et meublée par la duchesse Anna Amalia.


Johann Wolfgang von Goethe peut maintenant tenir son rang « d’honnête homme de Cour » ! Il n’a que 33 ans mais il est conscient du rôle qu’il joue dans la littérature et dans la politique.
A la fin de ces dix premières années tumultueuses (1775-1785), Goethe est étourdi par un travail intensif, des distractions continuelles et l’admiration qu’il suscite : « Jamais je n’ai connu si présomptueux que moi. Si quelqu’un me posait une couronne sur la tête, je trouverais cela tout naturel ».
Début 1786, conscient que son activité de poète-écrivain se ralentit, il rassemble toutes ses œuvres terminées dans une édition nommée « Œuvres de Goethe ». Puis, en juillet, il accompagne le duc Karl-August aux eaux de Carlsbad.
Le 3 septembre, il s’enfuit de là, à 3 heures du matin, en direction de l’Italie ! Seuls le duc et Madame de Stein étaient dans la confidence car Goethe voulait rejoindre seul, sans compagnon de route, ce lieu de merveilles dont il rêvait enfant. Sa disparition va durer deux ans.

Venise, Rome, Naples … « Je vis un renouveau de jeunesse, c’est là que je me trouve d’accord avec moi-même ». Il a presque quarante ans, il retrouve ses impulsions créatrices et termine des ouvrages qui viendront s’ajouter aux « Œuvres de Goethe » (8 volumes publiés de 1787 à 1790).
A Rome, Goethe fréquente un groupe d’intellectuels et d’artistes allemands : c’est en 1787 que le portrait le plus célèbre de Goethe, enveloppé de son manteau de voyage, fut peint par J. H. Wilhelm Tischbein.


Le 18 juin 1788, le retour à Weimar est difficile : la Cour lui est hostile, puis il s’éloigne de Charlotte de Stein. Le 17 juillet, il rencontre dans le parc une jeune fille, Christiane Vulpius, qui lui présente une requête pour son frère. Goethe en tombe amoureux et l’installe discrètement au Gartenhaus.

Comment ne pas être frappé par la ressemblance entre ce profil grec et la copie d’une tête de Junon que Goethe a rapportée d’Italie ?
Cinq enfants (un seul survivra) naîtront de cette liaison d’abord condamnée puis tolérée par la Cour de Weimar. Goethe décore sa maison de ville selon ses goûts. La famille s’y installe mais une grande partie de l’habitation est consacrée à l’exposition de ses grandes collections de peintures, sculptures, émaux, de l’antiquité à l’époque contemporaine. Sont également soigneusement entreposés sa collection de minéraux (18 000 pièces !) et des squelettes nécessaires à ses travaux scientifiques. Une partie de ses collections est aujourd’hui présentée au public à la Maison de Goethe et au Musée National.



Cette réplique géante surprend dans cet intérieur aux dimensions à taille humaine : elle correspond aux statues très hautes édifiées à Rome sur des forums ou devant des temples.
Non seulement Goethe espace ses contacts avec Mme de Stein mais il s’écarte aussi du duc et ne consent désormais qu’à donner des consultations pour les affaires politiques. Il veut se consacrer entièrement à ses activités de création.
Il participe de près à la reconstruction et à la décoration du château. Il y crée de nouveaux modèles architecturaux et décoratifs en s’inspirant de l’antiquité.

Il achève l’aménagement du parc romantique avec la construction de la Maison romaine, une résidence d’été. Il en conçoit aussi l’harmonieuse décoration intérieure.


Proche de la Gartenhaus occupée par Goethe depuis 1776, sur l’autre rive de l’Ilm, cette Maison romaine commandée par Karl-August témoigne de l’amitié qui lie toujours ces deux hommes depuis 1774.
Vingt ans ont passé depuis leur rencontre et voilà qu’un nouvel ami fait irruption dans la vie de Goethe le 20 juillet 1794 …
Voyage très intéressant! J’attends le suite avec intérêt.
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Vivement le troisième épisode que l’on découvre le nouvel ami de Goethe !
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C’est vrai que son idéal de beauté semble s’être soudain trouvé… ( mais si peu de temps par rapport à la fin de sa relation avec Charlotte … Cela demanderait quelques réflexions ! Il a sans doute beaucoup changé en Italie ? )
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Belle introduction à Goethe.
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