La peinture peut-elle être un voyage ?

C’est en parcourant une revue sur la peinture que je me suis fait la réflexion suivante : l’art n’est pas seulement source d’émotions, de plaisir des yeux, de choc esthétique, c’est aussi un voyage. Un grand peintre, s’adressant à ses élèves le disait bien mieux que moi : « Faites que votre tableau soit toujours une ouverture au monde » (Léonard de Vinci),

En effet, que demandons-nous au voyage, si ce n’est de casser nos codes, nos habitudes, de nous sortir de notre cocon, de remettre en cause nos certitudes et de nous faire découvrir de nouveaux mondes ?

Au XIXème siècle c’est quelques deux mille peintres français qui, fascinés par les Antilles et l’Extrême-Orient, vont passer une grande partie de leur existence à reproduire les couleurs et les modes de vie des sociétés des pays qu’ils vont traverser ou dans lesquels ils vont séjourner. Le style reste assez académique, mais leur œuvre est conséquente. Ainsi, avec eux, nous sommes dans le désert sur un chameau ou encore au sein d’un harem ou dans un souk ou sur une barque de pêcheur au Vietnam ou encore nous rencontrons un sultan puis nous vagabondons dans les ruelles de Tanger avant de rejoindre une caravane de nomades… Mieux que par la photo, ces peintres ont su grâce à leur talent nous introduire dans des sociétés alors peu connues du grand public et nous faire ressentir une ambiance bien différente de la société européenne de l’époque. Ils expriment par touches le silence du ressenti.    Regardons par exemple cette femme au teint bruni par le soleil, couverte de bijoux (bracelets, tiare, colliers…), assise sur une marche, le regard perdu dans quelque rêve ; tout dans son allure nous transporte dans un pays du Maghreb. Etienne Dinet nous fait ressentir la chaleur accablante de la journée, on croit entendre le bruit de ses bijoux qui s’entrechoquent, on sentirait presque l’odeur des épices ou des fumées que provoquent ce fumeur de Narguilé de Guilio Carlini.

Dans le prolongement, mais dans un style différent, c’est avec Gauguin que nous flânons sous le soleil à Tahiti, puis Monet qui nous fait frissonner sur le Hungerford Bridge à Londres et quelques tableaux plus loin, nous apaise à Giverny, c’est le cri de Munch qui nous angoisse sur fond de ciel norvégien tourmenté, et comment ne pas se sentir cerné, entouré par les singes et les serpents de Rousseau dans sa luxuriante forêt tropicale ? David Hockney quant à lui nous fait découvrir le rythme des saisons en  Normandie, pendant que Bernard Buffet, après nous avoir fait partager son amour de la Bretagne, nous transporte  au Japon ….

Que de chefs-d’œuvre et que de talents ! Les musées regorgent de tableaux et il est impossible d’en dresser une liste exhaustive, d’autant que la notion de voyage est très large. Ainsi, « la nuit étoilée » de Van Gogh nous fait voyager différemment. Ici, il n’est pas question d’approcher une terra incognita, non, il s’agit surtout de se laisser prendre par la magie de ces étoiles qui tourbillonnent dans une galaxie un peu folle au-dessus d’un village endormi. Encore un voyage presque interplanétaire !

Aussi, laissons-nous prendre par la beauté de ces œuvres car, comme disait Renoir, « Il y a dans la peinture quelque chose de plus qui ne s’explique pas, qui est essentiel ».

Nicole Imbert-Degrave

Présidente AEV

Un commentaire sur “La peinture peut-elle être un voyage ?

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  1. Tout à fait d’accord : voyages au premier degré avec la peinture figurative mais aussi voyages au second degré avec la peinture abstraite.
    A propos des tableaux « orientalistes », je signale la collection vraiment surprenante du musée de Narbonne.

    Aimé par 1 personne

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